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Le métier du diplomate (3)

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Le métier du diplomate (3)

Rappel

Ces articles sur la diplomatie peuvent paraitre parfois révolus aux yeux du lecteur d’aujourd’hui. C’est pourquoi, je tiens à lui rappeler que je les avais écrits au début des années 2010 pour les diplomates marocains qui font face à la guerre que le pouvoir militaire boukharroubien de l’Algérie mène contre le Maroc depuis plus de quatre décennies sur le front diplomatique, à l’ONU, avec l’Europe, ou dans les instances africaines. Ainsi, en 1982 l’Algérie et la Libye avaient réussi à faire entrer la RASD à l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA, ancêtre de l’actuelle Union africaine) par le truchement du S.G de l’époque, le togolais Edem KODJO.  Deux ans plus tard, le Maroc quitte l’institution en signe de protestation.

Le diplomate et la mondialisation  

La mondialisation qui peut engendrer un développement planétaire dont les bienfaits ne sont pas toujours équitablement répartis débouchera inéluctablement sur des tensions, voire des conflits armés. C’est pour cela que les diplomates devront absolument avoir au cœur de leur attention les effets de la mondialisation en mettant en exergue la dialectique entre sécurité et développement.

Les menaces et les défis générés par la mondialisation dans les relations internationales nécessitent une réponse adéquate, non pas en termes de forces armées seulement, mais aussi sous la forme d’une recherche inlassable d’un développement centré autour des besoins de l’humanité. La diplomatie devra mettre l’accent désormais sur le rôle de la communication, de la culture, des acteurs non étatiques et de la ‘’déterritorialisation’’ de l’espace politique.

Face aux défis importants du 21ième siècle, la qualité de la vie dans les mégalopoles, la démographie galopante dans les pays en voie de développement, les armes de destruction massive, l’approvisionnement en matières énergétiques, les pandémies, le changement climatique, qui sont fondamentaux tant pour la santé et la sécurité que pour le développement, la diplomatie doit disposer de nouvelles aptitudes et de nouveaux instruments pour les insérer dans les processus de négociations internationales.

Jusqu’à présent, on doit bien reconnaître que la diplomatie marocaine a tardé à tenir compte de la mondialisation. La politique étrangère a été conçue pendant longtemps comme la conduite des affaires entre les Etats et ressortait du domaine exclusif des gouvernements. Aujourd’hui, la politique internationale inclut un grand nombre d’acteurs extérieurs au ministère des Affaires étrangères : départements techniques, défense nationale, parlements, diasporas, villes, entreprises, syndicats, société civile, etc. Cela reflète évidemment la disparition progressive des démarcations entre les affaires étrangères et les affaires intérieures et la manifestation du passage de l’ère de la guerre froide à celle de la mondialisation.

La montée en puissance de ces nouveaux acteurs renforce, paradoxalement, le rôle des Etats dans le nouveau système international. Jamais les acteurs de la société civile n’ont autant réclamé l’intervention de l’Etat sur la scène mondiale dans des domaines comme l’économie, la justice, le développement, les droits de l’homme, l’environnement, etc. Les turbulences mondiales qui ne finissent pas d’élargir le spectre d’action diplomatique, nécessitent davantage de vigilance, de régulation, et renforcent le rôle du ministère des affaires étrangères, pour autant que celui-ci fasse l’indispensable effort de modernisation.

Dès lors, on peut affirmer que la mondialisation est la chance du ministère des affaires étrangères ; encore faudra-t-il que les diplomates puissent relever ce défi. Pour cela, il convient aux diplomates d’avoir à l’esprit un double champ d’action diplomatique : l’action bilatérale d’un côté, et l’action multilatérale de l’autre où les diplomates vont se trouver face à de nouveaux défis (le climat, l’énergie, les migrations internationales, les pandémies…) auxquels ils ne sont pas préparés d’emblée.

Il n’y a pratiquement plus de problèmes qui se négocient à deux : les pays engagent continuellement des négociations dans les domaines les plus divers avec des dizaines d’autres Etats et organisations internationales. On y débat le plus souvent des thèmes transversaux qui exigent des connaissances scientifiques et techniques de plus en plus précises. Une négociation sur le changement climatique sollicite l’intervention d’un économiste pour les tractations sur les échanges de droits d’émission, d’un agronome connaissant bien les questions de biodiversité, d’un administrateur des fonds de coopération environnementale, etc. Il n’est pas possible pour un diplomate de cumuler toutes ces fonctions. Le ministère des affaires étrangères qu’on va oser comparer à une tour de contrôle doit être en phase avec ce nouvel environnement des relations internationales pour mieux négocier et coordonner les négociations internationales.

Saïd CHATAR